Summum Models ou la révolution mannequin
- Aurélya Bilard

- 11 déc.
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 déc.
Pour exercer le métier de mannequin, il faut obligatoirement faire partie d’une agence. Or, de nombreux modèles contournent la loi actuelle en facturant leur prestation grâce au statut d’autoentrepreneur. Si la réglementation mériterait d’être dépoussiérée selon Téhé Oula et Jérémy Clinco, les fondateurs de Summum Models considèrent aussi qu’il est urgent d’accompagner les apprentis modèles qui souhaitent se faire une place dans le milieu de la mode. Comment se faire repérer par les professionnels du secteur ? Comment décrocher un casting ? Comment bâtir un plan de carrière réaliste à l’ère des images générées par IA ? Les deux experts - qui oeuvrent également dans la joaillerie de luxe - ont accepté de se confier à Boodoom Le Mag.

Est-ce que Summum Models, c’est un peu la Classe mannequin 2.0 ?
Jeremy Clinco : J’ai envie de dire oui, parce que c’est un métier en pleine mutation avec l’avènement des réseaux sociaux. Depuis plusieurs années, la façon de trouver des castings et la façon de se vendre en tant que modèle évolue. Avec un appareil photo et un compte Instagram, on peut créer soi-même du contenu, se faire repérer, démarcher n’importe qui. Nous ne sommes plus à l’ère des agences traditionnelles. Le modèle peut désormais construire sa carrière comme il l’entend, à condition d’avoir les bonnes armes entre les mains. A partir du moment où tout dépend des actions que l’on met soi-même en place, ça change la donne.
Téhé Oula : Avec Summum Models - qu’on a lancé et que nous sommes en train de développer -, on répond à une problématique dans l’air du temps. Dans chaque chose que l’on fait aujourd’hui, on doit intégrer un certain mindset d’entrepreneur. J’ai l’habitude de dire que le monde appartient aux créatifs. Avec toutes les nouvelles technologies qui émergent, il est important de s’adapter. Les modèles doivent se prendre en main. C’est une obligation pour vivre leur rêve et ne plus être freiné•es par d’anciennes barrières (taille, poids, style, etc. ndlr).
En parlant de nouvelles technologies, on ne peut pas passer à côté du sujet de l’intelligence artificielle. Quel est son impact ? Est-ce que des mannequins en devenir vous parlent de la crainte d’être remplacé•es par des images générées par l’IA ?
T. O. : Il faut être honnête : ce qui est en train de se passer aura forcément un impact. Aujourd’hui, ce n’est pas encore mesurable à 100 %. Cependant, avec Jérémy et notre équipe, on assiste à pas mal de conférences sur l’IA. Dans un futur très proche, cela va prendre de plus en plus de place même dans les grandes maisons [de mode] et les agences de mannequins. Les modèles vont probablement disparaître à certaines étapes ou certains postes afin que les entreprises gagnent du temps. Je pense à des sociétés de e-commerce par exemple, qui peuvent organiser trente shootings de vêtements à la semaine. Avoir recours à un modèle humain, ça représente de l’organisation et des frais alors qu’en quelques clics et de l’intelligence artificielle, ce travail peut se réaliser en une demi-journée. C’est certain qu’il y aura un impact très concret sur le modèle dit « commercial » que l’on retrouve sur de grands sites Internet, c’est-à-dire le modèle très standard avec des poses debout, de face et de profil.
En revanche, on aura toujours besoin du modèle humain, car il va dégager une certaine énergie. Il y a un rapport qu’on ne retrouvera jamais avec l’IA. Le mannequin humain restera important sous d’autres formes : les défilés, les interviews, l’influence réelle qu’il ou elle détient… Je pense que demain, on verra beaucoup plus de modèles présent•es lors des conférences par exemple.
Quelle est l’expérience apprenante proposée par Summum Models ? Est-ce que vous avez une approche différenciante par rapport à ce qui existe sur le marché ?
J. C. : Avec Téhé on s’est retrouvé devant des modèles qui nous disaient « Je ne sais pas faire un book photo », « Je n’ai pas d’agence », « Je ne sais pas comment trouver des castings ». En clair, « Je ne sais pas par où commencer. » Pour répondre à ces problématiques, ça nous a paru essentiel d’apporter cette vision entrepreneuriale dans le cadre de notre formation. Pour répondre à ces questions, il faut en amont se demander ce qu’on veut faire, comment le réaliser et quelle stratégie mettre en place. Dans les accompagnements que l’on propose, il y a, entre autres, une formule sur trois mois composée de modules qui ont été travaillés sur la base des problématiques qui nous ont été remontées régulièrement.

L’idée, c’est de leur apporter des éléments concrets pour avancer avec des plans d’action, mais aussi leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences. Si elles ou ils en sont à l’étape de rechercher des castings, il faut d’abord qu’ils ou elles aient un book photo. Savoir contacter des photographes, alimenter un compte Instagram cohérent et pertinent, développer un réseau, etc., ça s’apprend. Notre formation a été pensée pour leur apporter de la clarté, gagner du temps mais aussi gagner confiance dans leur potentiel de réussite. Car souvent ces modèles en devenir entendent des conseils par-ci, par-là - notamment sur les réseaux sociaux -, et ça reste souvent superficiel ou généraliste. Nous personnalisons l’accompagnement : mise en relation, aide à l’optimisation des candidatures auprès des agences, réalisation du book photo… Parallèlement, on organise trois fois par an des événements privés qui ont pour but de les aider à développer leur réseau et leurs compétences avec des ateliers de posing ou encore de catwalk (la marche, la pose, l’attitude, le positionnement des épaules…).
Vous êtes déjà à la tête de la joaillerie de luxe Goldaia. Pourquoi avoir lancé en parallèle ce nouveau business de formation ?

T. O. : Goldaia est la première maison de bijoux de mode à devenir une maison de joaillerie inspirée de la culture hip-hop et qui incite à l’entrepreneuriat. De cette vision est né tout un univers autour du bijou Goldaia, qui invite les gens à croire dans leur bonne étoile (le logo est une étoile à quatre branches entourée de diamants) et surtout à croire en eux. On veut leur dire qu’au travers de l’entrepreneuriat, ils peuvent s’accomplir dans leur vie, et ce, peu importe les projets. Ce message, il a été créé il y a plus de vingt ans, lorsque j’ai pensé le projet en 2004 (lancement officiel de la marque en 2008). Il a permis de fédérer et de développer une communauté sur les réseaux sociaux. Un jour, j’ai voulu lancer un casting pour trouver le visage qui allait représenter cette énergie et cette maison. Nous avons reçu plus de 10 000 candidatures - d’ailleurs, un casting est en cours en ce moment pour trouver le visage 2026. Je me suis rendu compte de la réalité du marché : il y a beaucoup de modèles qui voulaient se lancer, mais qui ne savaient pas comment ou qui souhaitaient entrer en agence sans y parvenir. On a pris conscience que leur rêve était limité par des institutions ou des règles établies il y a for longtemps. Sauf qu’en 2026, on estime que toute personne doit pouvoir vivre son rêve et que ce n’est pas un critère physique qui doit l’en empêcher. A côté de la marque Goldaia, on a développé une branche dédiée au modeling pour répondre à cette problématique.
La profession de mannequin est très réglementée. Qu’est-ce qui cloche avec la réglementation actuelle pour permettre aux modèles de réaliser pleinement leur rêve ?
J. C. : Pour proposer ses services en tant que modèle photo, il faut obligatoirement passer par une agence de mannequin. Si on facture en indépendant ce type de prestation, cela peut être considéré comme du travail dissimulé. Cela pose problème puisque beaucoup de modèles ne sont pas en agence, et créent leur statut d’autoentrepreneur. En facturant leurs prestations comme de la création de contenu ou de l’UGC, beaucoup de modèles détournent une loi qui à mon sens est désuète. De plus, de nombreuses sociétés acceptent ces facturations, montrant qu’elles ne sont même pas au courant de la réglementation en vigueur. Entre la réalité du terrain et la législation, il y a un décalage.
T. O. : Il faut ajouter que dans les agences, les places sont limitées. Imaginons qu’une agence a une capacité d’accompagner cent mannequins, il faut se rendre compte qu’à l’extérieur, il y a pourtant des milliers voire des millions de personnes qui veulent exercer ce métier. L’agence met en place des critères très sélects qui vont correspondre à cent personnes. Et les autres qui n’entrent pas dans le moule, elles font quoi ? Elles ne peuvent pas travailler parce qu’elles ne sont pas en agence. Les modèles ne veulent plus se laisser faire parce qu’il y a aussi de la demande avec des marques qui apprécient leurs profils. Et ces personnes se lancent ! Je trouve ça très fort de leur part. Il faut que les lignes bougent, car personne ne doit vous empêcher de vivre une passion qui vous anime. Il faut encadrer ça et c’est le problème que l’on souligne aujourd’hui.
Est-ce que vous faites de la prévention également dans le cadre de la formation ? Dans le sens où il n’est pas rare d’entendre que dans le monde de la mode des personnes peu scrupuleuses disent tout et n’importe quoi pour permettre à des jeunes modèles de vivre leur rêve.
J. C. : Quand on parle de défilés ou de shootings, ça met des étoiles dans les yeux. Des personnes peuvent faire de fausses promesses ou soutirer de l’argent à des jeunes un peu naïfs ou naïves. Chez Summum Models, on a un point dans nos modules pour faire de la prévention et évoquer les dangers. Typiquement, on ne doit pas payer pour entrer dans une agence de mannequin, car ce n’est pas comme ça qu’elle se rémunère. En effet, elle reçoit une commission quand un mannequin est placé sur un shooting photo. On explique aussi aux apprenants comment réagir lorsqu’une personne les contacte pour leur proposer un projet : qui est-elle ? Quels sont les détails de la mission ? Pourquoi ce projet ? Comment s’organise-t-il ? Etc. Ça paraît du bon sens, mais c’est une sensibilisation que l’on fait constamment auprès des apprenants pour qu’ils et elles évitent de tomber dans des pièges. Si un photographe vous contacte pour vous proposer un shooting, pourquoi pas. Mais il est quand même préférable d’échanger avec cette personne, de la rencontrer dans un lieu public, de lui dire que vous viendrez accompagné•e lors du shooting… Il faut être attentif•ve à ses réactions. On explique qu’au moindre doute, il vaut mieux bloquer une personne plutôt que de se mettre en danger.
Quelles sont les prochaines actualités de Summum Models pour 2026 ?
J. C. : Le 7 février, nous organisons un événement à Paris, de 13h à 20h, limité à trente personnes uniquement. Nous proposerons plusieurs ateliers :
une activité de catwalk pour apprendre à défiler ;
un atelier animé par un photographe et un mannequin professionnel pour travailler le posing car on s’est rendu compte que les modèles débutants ne sont pas forcément à l’aise devant l’objectif, ne maîtrisent pas leur corps ou la gestuelle.
Nous leur proposerons aussi un module consacré aux réseaux sociaux et comment développer son image, car aujourd’hui on peut se faire repérer sur ces plateformes à condition de bien faire les choses.
En fin de journée, nous ferons une simulation de casting pour mettre en application tout ce qui aura été appris lors de l’événement afin de s’exercer, se professionnaliser et monter en compétences.
Pour plus d’info : https://www.instagram.com/summum.models/








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